Trop souvent, je constate à quel point la mise en page des romans ou des essais se trouve négligée par les auteurs autoédités — mais aussi par de nombreux éditeurs, jusqu’aux plus réputés parfois… Par opposition à la conception d’un beau livre ou d’un magazine, on pourrait croire la mise en page d’un roman à la portée de tous.
C’est que, de fait, elle paraît simple. De quoi s’agit-il, en définitive ? De définir les dimensions de la page et les marges, le contenu des en-têtes et pieds de page ; de choisir la police et sa taille ; de soigner la présentation des départs de chapitre ainsi que de quelques pages spéciales comme page de titre ou dédicace… et c’est à peu près tout, non ?
Pas vraiment — et même vraiment pas. Pour le comprendre et en prendre la mesure, il faut avoir en tête le rôle essentiel joué par la typographie, par-delà sa dimension strictement utilitaire de rendre un texte aisément reproductible en vue d’en faciliter la diffusion. Encore que tout soit lié… Œuvrer en effet à la diffusion d’un livre, c’est déjà, pour commencer, donner envie de le lire ; et si bien sûr cela va d’abord passer par la communication, et la création d’une couverture propre à piquer la curiosité de potentiels lecteurs, la mise en page n’est pas moins capitale, car rude est la concurrence dans un monde où, malgré la prolifération de nouveaux médias, se publient toujours des montagnes d’ouvrages.
La typographie est l’art de donner forme à un texte tout en en permettant la reproduction à grande échelle ; pour un livre, de le composer en une suite de pages constituées chacune d’une succession de lignes consistant elles-mêmes en l’assemblage de caractères (autrefois appelés « types »).
Dans le cas qui nous concerne, à savoir la mise en pages pour l’édition littéraire, la double mission de la typographie est d’inviter à la lecture et de rendre celle-ci aussi agréable et fluide que possible.
Imaginons qu’un lecteur séduit par la couverture de votre livre ouvre ce dernier pour tomber sur quelque chose comme ceci…
Mise en pages ratée de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost.
Parions que la plupart des gens n’auront pas envie d’aller plus loin et reposeront le livre tout de suite… Si j’ai fabriqué l’exemple qui précède à dessein, au lieu de reproduire un livre réellement publié, c’est pour ne froisser personne. Pourtant, il s’agit vraiment du genre d’horreur que peut donner à voir l’autoédition.
Sans doute ne percevez-vous pas tout ce que cet exemple peut avoir d’horrible, même si déjà, plus ou moins confusément, vous sentez que bien des choses ne vont pas. Après la lecture de quelques billets de ce blogue consacrés à la typographie, vous saurez exactement quoi.
Mais peut-être n’avez-vous pas encore le sentiment d’avoir affaire à une mise en pages complètement ratée… Rassurez-vous : à l’évidence, vous ne seriez pas le seul. Non seulement bien des auteurs autoédités sont dans ce cas, mais aussi plus d’une petite maison d’édition, faute d’avoir accordé à la typographie le soin que mériterait tout livre.
Comparez avec la double page suivante du même texte.
Mise en pages convenable de Manon Lescaut, de l’abbé Prévost.
Qu’est-ce qui diffère ? À peu près tout. Même sans rien y connaître, vous devriez trouver ce dernier exemple bien plus convaincant que le précédent. À quoi cela tient-il ? À bien des choses, que j’aborderai ici au fil des billets traitant de typographie.
Pour l’heure, si vous ne deviez retenir qu’une chose, c’est que la mise en page contribue pour une part importante à la réception de vos livres. Réussie, elle ne vous vaudra sans doute les félicitations de personne, il est vrai. Ratée, toutefois, non seulement elle vous privera de bien des lecteurs, mais elle vous aliénera une partie des gens qui vous auront lu malgré tout. Quelles que puissent être les qualités du texte, votre livre sera perçu comme amateur.
Une bonne mise en page ne s’improvise pas.
Avant de proposer une initiation à la mise en page, j’exposerai dans le prochain billet pourquoi il est indispensable à tous les petits éditeurs, en particulier les autoéditeurs, de connaître au moins les bases de la typographie.
Pourquoi la mise en pages peut faire ou défaire votre livre