Dans le billet précédent, j’insistais sur l’importance de la typographie. Que vous soyez éditeur ou auteur autoédité, en effet, vos livres seront jugés aussi sur leur mise en page.
Pour un éditeur, il est essentiel de s’entourer de gens compétents dans le domaine. Un autoédité, quant à lui, doit faire face au choix suivant : soit assurer lui-même la mise en page de ses livres, soit déléguer cette tâche à des professionnels. Dans un cas comme dans l’autre, il faudra disposer de bonnes connaissances en matière de typographie : aussi complètes que possible lorsqu’on décide de faire soi-même la mise en page ; au moins les connaissances de base lorsqu’il s’agit de faire appel à un prestataire.
Pourquoi ? La réalité, effectivement, c’est que beaucoup de professionnels ne présentent pas les compétences requises. Dans sa recherche d’un prestataire, il faut donc être à même de juger au moins sommairement de la qualité du travail proposé.
Du déclin de la typographie
Si la France fut autrefois un haut lieu de la typographie, tel n’est plus le cas depuis longtemps.
L’accélération des progrès techniques et l’avènement de la typographie numérique ont ouvert de nouveaux horizons, mais en même temps nui à la transmission des savoirs et compétences : les anciens typographes, pour beaucoup, n’ont pas su ou voulu s’adapter aux outils informatiques, tandis que les générations suivantes apprenaient à se servir des logiciels de PAO sans toujours bien savoir quoi en faire.
Ajoutons à cela une évolution des métiers : les typographes ont en grande partie disparu au profit des graphistes, à qui aujourd’hui sont confiés la plupart des livres. Si leurs compétences en matière de graphisme ne sont pas en cause, il est manifeste que leur formation à la typographie laisse souvent à désirer. Ainsi est-il fréquent en France de voir des beaux-livres à la maquette très réussie en partie gâchés par des accidents typographiques qui auraient fait rougir de honte le dernier des apprentis de la première moitié du siècle précédent.
Et la situation est souvent pire du côté des ouvrages courants : de simples romans de gare des années 1960 étaient souvent mieux mis en pages et composés que certains Goncourt d’aujourd’hui, alors que l’informatique permettrait sans peine d’atteindre une qualité supérieure à celle d’autrefois — et ce, bien plus rapidement. Pour citer Olivier Bessard-Banquy : « Le discours convenu sur la démocratisation du livre comme synonyme d’inévitable relâchement esthétique est irrecevable. »
Macro et microtypographie
On tend désormais à distinguer deux niveaux, s’agissant de typographie :
- la macrotypographie concerne les aspects généraux de mise en page ;
- la microtypographie, la composition de la ligne, des mots, la succession des caractères.
Grosso modo, la macrotypographie concerne ce qu’en typographie numérique on nomme la maquette, dont la conception consiste à définir la disposition graphique, dans l’espace de la page, de contenus informationnels qui pour un roman ou un essai se limitent le plus souvent à du texte.
À voir l’écrasante majorité des ouvrages publiés en France, j’ai le sentiment que c’est là, à peu près, que s’arrête le travail de mise en page aux yeux des graphistes qui se sont vu confier les livres en question. Pour essentielle qu’elle soit, la maquette ne constitue jamais que les fondations du livre, en réalité. Assurément, on ne saurait rien bâtir de solide sur la base d’une maquette ratée, mais l’« édifice » n’en reste pas moins à construire.
De son côté, le typographe consciencieux considère que le véritable travail ne fait que commencer, celui qui intervient au niveau de la microtypographie : « Une typographie réussie est le résultat du soin apporté au moindre détail, parfois par touches infimes. […] Il est nécessaire pour cela de supporter d’être considéré comme un maniaque », écrivait à raison le typographe américain James Felici.
Mais n’anticipons pas, et commençons donc par les fondations, la maquette. Les deux éléments fondamentaux sont ici le format et l’empagement.
Le prochain billet traitera ainsi de la question du format.
Connaître les bases de la typographie : un enjeu crucial